La Discothèque Idéale
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Aveugle / 11-08-2000

 
 Aveugle justice, sûrement éblouie par toutes ces journées ensoleillées de notre bel été. La justice, ces deniers temps semble avoir perdu la tête, et l'équité qui va avec. Retour hélas au trop fameux adage: "deux poids deux mesures". 

Ainsi, il n'en va pas de même devant la justice que vous soyez ministres, policiers, grand patron ou simple quidam, homme parmi les hommes.

Les deux policiers du commissariat de Tourcoing dans le Nord le savent bien. Ils ont été condamnés à 7 mois de prison avec sursis. Ils s'étaient assis sur un jeune homme de 27 ans d'origine zaïroise qui avait heurté un rétroviseur. Ils étaient si bien assis sur le coupable que ce dernier en est mort étouffé. L'imbécile ! Et pourtant il était boxeur, donc en forme. Cela dit boxeur ou pas boxeur, un noir, ici-bas, ne doit pas être grand chose au yeux de la justice puisque le motif de non-assistance à personne en danger n'a pas été retenu. Il n'était pas en danger, il avait deux policier qui le protégeaient.

Ailleurs, mais hélas toujours en France, une mère de famille vole trois steaks congelés dans une grande surface pour nourrir ses gosses : trois mois de prison ferme. Soit environ un mois par steak. Justice en quelque sorte.

À Lyon, deux policiers ont été condamnés à six mois de prison avec sursis pour "injure raciale et exhibition sexuelle" à l'encontre d'une jeune femme d'origine algérienne coupable de leur avoir tiré la langue.

Cette "chienne", ce "déchet de la société " pour reprendre le vocabulaire fleuri des policiers s'en tire à bon compte, ils auraient pu s'asseoir dessus. C'est un peu ce que la justice a fait de son cas en rendant ce verdict.

Toujours en France, un automobiliste tente de porter secours à un black molesté par des policiers en tenue. L'homme est menotté, plaqué au sol et reçoit des coups de savate en bonne et due forme. Le tribunal le condamne à six mois avec sursit pour "outrage à agents de la sécurité".

Le patron de la Banque de France va être mis en examen pour protection illégale des escrocs du Crédit Lyonnais (dont on connaît très bien les noms, rassurez-vous) alors qu'il était directeur du trésor. Bilan actuel et les comptes ne sont pas finis : 200 milliards !

Ça en fait des steaks, et pourtant, cela n'a pas l'air de l'inquiéter plus que ça. Une ex-courtisane Première ministre vient de se faire prendre la main dans le sac au Parlement européen, elle n'a pas l'air non plus très préoccupée.

Deux poids, deux mesures, deux vitesses. L'homme s'insurge, mais personne ne s'étonne.

Et tout le monde d'accepter l'inacceptable comme une fatalité. Ce qui est encore la meilleure façon de banaliser ce qui ne devrait jamais l'être.

Que penser de cette justice qui ne semble pas vraiment la rendre, ou qui la rend, mais toujours du même coté, comme le chantait naguère Jacques Dutronc.

L'homme est, par nature et par expérience, un peu pessimiste. Surtout à relire ces cas d'injustice impardonnable.

Pourtant du Chili nous vient une lueur d'espoir. La Cour Suprême vient de lever l'immunité parlementaire d'Auguste Pinochet qui se croyait à l'abri de ce genre de soucis grâce à son titre de sénateur à vie. Que nenni !

Auguste, dont nous avons déjà parlé ici, grand démocrate, soutenu naguère par des démocraties bien pensantes comme la grande Bretagne et les États-Unis et surtout par l'armée qui vient de lui renouveler sa confiance, devra peut-être cette fois rendre compte de ses actions.

Pinochet fait actuellement l'objet de 157 plaintes déposées devant la Cour d'Appel de Santiago par les proches des 3000 morts ou disparus sous sa dictature.

Cette décision, qui n'est susceptible d'aucun appel, est pour la démocratie et pour la justice un événement.

Les dictateurs savent désormais qu'il n'est plus question de les laisser vieillir en paix.

L'homme, septique, attendra quand même que la justice chilienne fasse son travail et rende verdict pour fêter ça. Néanmoins, même bien loin de chez lui et de son pays, cette levée d'immunité est une bien bonne nouvelle.

Une bonne raison de se lever le matin, en attendant et en souhaitant que la justice de son pays, endormie, se réveille, elle aussi.

 

 

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