La Discothèque Idéale
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PLATANES / 12-07-2001

 
 96, pour être exact.

96 platanes, ces arbres élevés au feuillage épais dont l'écorce lisse se détache par plaque irrégulière. C'est beau, un platane.

Il a fallu que des individus, une vingtaine, armés de tronçonneuses coupent 96 platanes bordant la route départementale 934 dans les Hautes-Pyrénées.

Comment peut-on couper un arbre et s'en aller dormir en paix se demande l'homme naïvement ? Couper un arbre, c'est moche.

L'homme armé d'une tronçonneuse est un loup pour le platane.

Oh, bien sûr, il y a les guerres d'Irlande et les peuplades sans musiques et le TPI de La Haye. Bien sûr, il y a tout ça, mais quand même.

Et puis personne ne parle jamais des platanes...

Le plus injuste, et l'homme y vient enfin, est la raison pour laquelle ces platanes ont dû subir les derniers outrages de ces 20 imbéciles.

La motivation de ces vingt énergumènes est qu'un de leur camarade motard de 21 ans est entré en collision avec un de ces platanes et en est mort.

L'homme n'a, a priori, rien contre les motards et mourir à 21 ans, même dans les Hautes-Pyrénées, n'a pas de quoi faire rire. En vérité, c'est bien triste.

Mais de là à en conclure que ce sont les platanes qui sont en tort et leur appliquer la peine capitale à coup de tronçonneuse, il y a une différence que tout le monde ne semble donc pas faire.

Ainsi, ce n'est donc plus de la faute du motard qui va trop vite, ni le fabricant de motos ou de voitures qui met en vente des engins capables d'atteindre des vitesses de 300 km/h (c'est juste la vitesse du TGV, rien de déraisonnable....), le coupable, mesdames, messieurs, les jurés, c'est le platane. L'impassible, l'immobile platane qui est resté là, sans rien faire en plus, non-assistance à motard en danger.

Cela promet. Méfiance, gravillons, pluie, et maisons de coin de rue... Et la prochaine fois qu'une voiture rentre dans un mur, on rase la ville ?

Absurde que tout cela. À quand la peine de mort pour les piétons qui traverse dans les clous au feu rouge, ces provocateurs ?

La mort n'est pas juste, cela se saurait, et prendre la vie d'un jeune homme de 21 ans est intolérable. Tellement intolérable qu'il faut bien un coupable. Mais se retourner contre un platane est d'une bêtise incommensurable.

L'homme est quelquefois désemparé, toujours étonné par les exactions de ses semblables. Demain ou dans deux jours, il lira qu'ici et là, on replante des arbres, pour lutter contre l'effet de serre, pour empêcher les inondations trop violentes, ralentir l'érosion du terrain, ou plus simplement, plus souvent pour avoir des arbres, de nouveau, tout simplement. Cela doit faire une belle jambe (une belle jambe de bois, on ne suit pas au fond...) à nos platanes, se dit l'homme.

L'homme, en touchant du bois, souhaite que ce genre d'incidents n'arrive plus désormais, ni aux jeunes hommes, ni aux platanes.

L'homme s'endormira en rêvant à un monde où l'on passerait en jugement pour avoir coupé un arbre avec amende à la clé. Il y ferait bon vivre.

Espérer en un tel monde peut-être une bonne raison de se lever le matin.

 

 

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