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Quel lapin vert ? / 06-10-2000

 
 Que celui qui n'a jamais vu d'éléphant rose lui jette la première pierre. Mais l'homme, de retour de vacances, n'en croit pas ses yeux : un lapin vert ! Le poisson rouge, l'éléphant rose, la terre bleue comme une orange, tout ça, l'homme connaît, mais un lapin vert. Et même pas de rage.

C'est à l'INRA (institut national de la recherche agronomique) que tout commence. Ce résultat étonnant est le résultat du transfert dans le génome de l'animal du gène codant de la GFP, "green fluorescent protéine", présente à l'état naturel chez la méduse. La GFP contient de l'aequorine, une photoprotéine qui émet sa lumière une fois activée par les ions calcium. "Ce gène vert a été modifié pour être utilisé chez le lapin et ciblé pour marcher dans toutes les cellules de l'animal" explique Luis Maris Houdebine, directeur des recherches de l'INRA.

Résultat : cette lapine albinos, sous un éclairage ultra violet, a les poils, les moustaches et les yeux qui deviennent vert fluorescent.

C'est un bio-marqueur de plus en plus utilisé par les biologistes, son emploi est simplissime : quand le gène est introduit dans un organisme animal ou végétal, il suscite la production de GFP qui peut être facilement détecté sous lumière ultraviolette. Les spécialistes des protéines ont même perfectionné cet outil étonnant en modulant la longueur d'onde de l'émission lumineuse de la GFP qui peut, aujourd'hui, produire également du bleu ou du rouge.

Depuis quelques années, les scientifiques ont introduit le gène codant pour la GFP chez différents animaux : souris, poissons de laboratoires, nématodes, mouches et vers à soie. L'équipe de chercheurs qui a créé le premier à soie transgènique a utilisé la GFP "pour savoir si la transgènése avait réussi". La GFP sert également pour suivre les réactions des végétaux au stress ou pour décortiquer l'activité enzymatique d'une plante face à l'action du milieu en fonction des variations de la température et de la lumière. La réponse à une attaque virale peut être également visualisée.

Que ce soit pour communiquer, pour se camoufler ou pour effrayer un prédateur, de nombreux organismes émettent un signal lumineux. On connaît sur terre, les lucioles et quelques champignons lumineux. Mais, dans l'océan, environ deux tiers des espèces pélagiques émettent une lumière essentiellement bleu-vert. C'est le cas des bactéries, des poissons, des crevettes, des calamars et du plancton végétal. Aux États-Unis, les militaires américains tentent, déjà, hélas, de s'appuyer sur le phénomène pour détecter les sous marins en plongée.

Mais l'histoire du lapin vert ne s'arrête pas là. Ainsi, Eduardo Kac, professeur d'art et de technologie à Chicago, a-t-il présenté l'animal à Avignon. L'INRA lui avait confié ce lapin vert pour étayer un débat sur les rapports entre science et art. Eduardo Kac s'est ainsi baptisé "artiste transgènique" et a l'intention de créer des "être vivants uniques" à des fins artistiques.

Drôle d'histoire que ce lapin vert se dit l'homme en hochant la tête. Il ne manquerait plus que les chasseurs réclament des lapins transgèniques plus faciles à tirer de nuit et ce sera le bouquet. Plus rien n'étonne personne et peut être, demain, nous annoncera-t-on des grenouilles rouges ou des flamands bleus. Ce sera une bonne raison de lever le matin pour voir ça.

PS :

Avant de partir prendre des vacances bien méritées, l'homme avait déjà entendu parler des lapins qui peuplent les pelouses bordant le périphérique parisien, on lui avait même parlé de carottes trouvées sur le rond-point de la porte Maillot. L'homme a une pensée pour ses amis en leur prédisant que bientôt, il sera encore plus facile de voir les lapins même la nuit. À condition, bien sur, d'avoir des phares ultraviolet.

 

 

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