La Discothèque Idéale
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RAYURES / 02-05-2000

 
 L'homme, qui n'est pas sensé avoir honte de son pays, bien au contraire, a ses derniers jours, le visage contrarié. Rouge au front et rouge de honte à chaque fois, à chaque nouvelle fois, qu'il lit qu'un nouveau dérapage policier s'est produit en son doux pays.

C'est à Lille cette fois,  et comme bien souvent dans un quartier difficile, comme bien souvent un jeune homme en est mort et comme bien souvent le jeune homme est d'origine étrangère.

Les non-coïncidences sont souvent à manier avec les pincettes de la sagesse. C'est vrai que les jeunes gens de Neuilly sur Seine, que l'on reconnaît au A (jeune conducteur) à l'arrière de la Porsche, ne braquent plus beaucoup ces derniers temps. Comme quoi avec un peu d'éducation et beaucoup d'argent… Mais revenons plutôt à nos faits si consternants.

Dans la nuit de samedi 15 au dimanche 16 avril, un policier à tué d'une balle dans la nuque un Algérien de 25 ans, Ryad Hamlaoui.

Le jeune homme s'apprêtait avec un comparse à voler une voiture. Le comparse est déjà menotté lorsque Ryad est touché par Stéphane Antélianas, gardien de la paix de 27 ans. Touché et tué. À une distance de deux mètres. Deux mètres, sans doute est-ce que l'on appelle la police de proximité. À cette distance, le louper eut été un manque de professionnalisme. Le rapport de l'IGPN fait apparaître que Ryad était inconnu des services de police et qu'il n'était pas armé. Il s'apprêtait à commencer un emploi jeune à la mairie de Lille le lundi 17 avril.

Martine Aubry, première adjointe au maire de Lille, Pierre Mauroy, dont d'ailleurs elle brigue la succession, a demandé, dés dimanche, "des décisions rapides de la justice pour que les jeunes gens gardent confiance dans les institutions."

Alliance, le syndicat des policiers, se déclare, lui, "profondément choqué" par l'incarcération du policier que le syndicat juge "injustifié".

Le ministre de l'intérieur M. Chevènement ne souhaite pas réagir avant la fin de l'enquête de l'IGPN.

Patrice Bergougnous, directeur général de la Police Nationale, précise, lui, que "en cinq ans, la Police Nationale n'a été confrontée qu'à 24 cas d'usage mortel de l'arme de service, pour le grand nombre justifiés par la légitime défense" et de poursuivre "cela m'a conduit à promouvoir une réforme de l'entraînement au tir jusqu'ici fondé sur la recherche de la rapidité et de la précision."

Force est de reconnaître que cette formation semble avoir portée ses fruits : tué dans le cou à deux mètres de distance, l'objectif est atteint, le jeune aussi d'ailleurs.

On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui, nous enseignait naguère le sage Desproges. L'envie de rire avec un policier est depuis longtemps passée à l'homme. Ce n'est pas cet incident qui le fera changer d'avis.

Cette bavure policière est donc une tache de plus sur le plastron de la police française, sur la France tout autant. Cela devient routine et donc inacceptable.

Faut-il jeter la pierre aux policiers qui sont mis en première ligne par une société qui ne s'occupe plus des banlieues ?

Toujours est-il que l'homme remarque qu'une bavure de plus ne semble émouvoir ni le gouvernement, ni la police, et que seule la banlieue s'émeut dans un mouvement de colère compréhensible.

Sans légitimer une manifestation violente quelle qu'elle soit, l'homme se doit de comprendre et surtout d'entendre la colère qui monte des banlieues, faute d'incompréhension.

Tous les précédents parlent d'eux-mêmes et le silence de la justice est éloquent.

Toulouse, Habib, 17 ans, le coup de feu part accidentellement selon le policier. Mort sur le coup. Henri Bois, le policier est mis en examen et laissé en liberté sous contrôle.

A Lyon, Fabrice est tué d'une balle dans la tête alors qu'il était menotté et en garde en vue. Le parquet soutient que le policier Jean Carvalho à donné un coup mortel sans intention criminelle.

En Seine et Marne, Abdelkader, 16 ans, est tué d'une balle dans la nuque, le parquet réclame un non-lieu en invoquant la légitime défense.

La liste est longue. Hélas.

Et l'homme de se rappeler les propos de Mme Aubry : "des décisions rapides de la justice pour que les jeunes gens gardent confiance dans les institutions".

L'homme se dit qu'il faut bien du courage ou de l'insouciance pour continuer de croire en cette justice à deux vitesses qui légitimant l'abus de la violence et de l'arme de service par la police ne fait finalement qu'affaiblir cette même police. Une police qui devient de moins en moins légitime, de moins en moins juste, face à l'homme. L'homme qui est, quelquefois, jeune et qui, quelquefois, a le malheur de vivre en banlieue.

 

 

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