La Discothèque Idéale
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Appelez moi Docteur ! / 20-04-2001

 
 L'homme, qui n'a pu faire de longues études, faute de moyens, obligé de travailler très jeune pour subvenir au besoin de sa famille et de son petit frère alors qu'il neigeait et qu'il n'était vêtu que d'un tee shirt et d'une paire d'espadrille... (Mais je sens que je m'emballe et que je m'éloigne du sujet).

L'homme, donc, qui n'a eu avec les études que des rapports très lointains, a toujours eut un respect instinctif pour l'instruction, lui qui en a si peu. Aussi, quand il est question de Docteur ou de Sorbonne, l'homme à tendance à tendre une oreille respectueuse. Jusqu'à ce samedi où Elisabeth Tessier a soutenu sa thèse sous les portraits de Richelieu et de Descartes à la Sorbonne.

Oui, je sais. Moi aussi, quand j'ai lu ça, j'ai ri. Sauf que ce n'est ni une blague, ni un canular. D'ailleurs, la preuve, c'est même pas le 1er Avril.

À la tribune du jury, Serge Moscovici, universitaire réputé, préside les débats. À sa droite, Michel Maffesoli, professeur de sociologie à Paris V et directeur de thèse de la candidate. Aux deux extrémité de la table, Patrick Tacussel, universitaire de Montpellier et Françoise Bonnardel, philosophe de Paris I. Bref, du sérieux.

La candidate ? Elisabeth Tessier, astrologue de son métier, familière des plateaux télés et qui tirait notamment les cartes à François Mitterrand.

Celle la même qui, avec "votre horoscope 2000", son plus grand livre (24 sur 17 cm), avait prédit pour l'an dernier le come-back de Balladur, la transformation intérieure de Chirac et la démission de Lionel Jospin.

Notre Elizabeth a donc été prise très au sérieux par d'éminents membres de l'enseignements laïque et rationnel. L'astrologie est de retour à la Sorbonne trois siècle et demi après que Colbert l'en eut chassé !

Le sujet de la thèse ? "La situation épistémologique de l'astrologie liée à l'ambivalence frustration-rejet dans les sociétés post-modernes". Neuf cents pages en deux volumes.

Une thèse de sociologie dans laquelle l'auteur jure avoir veillé à "la neutralité et à l'objectivité scientifique".

Et notre chère tireuse de bonne aventure de Télé 7 jours, ouvrage hautement scientifique s'il en est, de citer vingt minutes durant Gaston Bachelard, Edgar Morin, Vilfredo Pareto, Théodore Adorno, Isaac Newton et ... Shakespeare.

Et de faire des allers-retours incessants et très fumeux mélangeant sans vergogne Astronomie et astrologie.

Oui, l'astrologie est "un art, une science et une sagesse", c'est "une science vérifiable (il suffit de lire ses prédictions...). Elizabeth dénonce " le consensus intellectuel ambiant", "le malentendu qui marque notre époque ".

Car "l'astrologie développe une intuition qui est égale à celles de la psychologie, de la psychiatrie et de la médecine", "elle est la plus vieille connaissance de l'humanité" et pour finir invoque "l'Homo Astralis" et d'exhorte l'auditoire" à adopter le point de vue de Sirius".

Arrivé à ce point, on se dit qu'elle va se prendre les neuf cents pages dans sa tête d'ancien mannequin de chez Chanel et qu'elle va être invité à rentrer chez elle ; parce que quand même, ici, c'est la Sorbonne, pas TF1, ni Télé 7 jours. Que nenni. Bien, au contraire, le directeur de thèse Michel Maffessoli loue "la grande pertinence de la candidate, son écriture élégante, son style soigné",

Françoise Bonnardel, professeur de philosophie, félicite l'Élisabeth et concède que le mieux serait de conférer "à l'astrologie le statut de science conjoncturelle".

Il faut savoir qu'une thèse arrivée en soutenance n'est jamais refusée. Le public, qui n'a pas la parole, la prend quand même, lorsqu'un homme lance désespéré au jury : "ceci est une farce." On est plutôt d'accord.

Du coup, même quand le troisième membre du jury fait la liste des erreurs de citations, des contresens et des fautes d'orthographes : Claude Lévi-Strauss avec un y, par exemple (comme la marque de jean, Élisabeth, ce n'est pas compliqué.), on se dit que c'est déjà trop tard, hélas. Et même quand le président Serge Moscovici reproche à Mme Tessier d'avoir cité des "scientifiques new age" et rappelle que l'astrologie n'est rien d'autre qu'une forme de magie, c'est définitivement trop tard. Seule vraie révélation : le vrai nom de notre grande prédicatrice : Germaine Hanselmann, (Pourtant, c'est joli Germaine…).

Le jury se retire trois minutes et vers 16 h, Germaine est proclamée "Docteur en sociologie avec mention très honorable".

L'homme pourra toujours feindre l'indifférence, il risque néanmoins de se retrouver fort dépourvu quand ses enfants lui apprendront qu'ils ont pris option astrologie au bac. Ah bon ? Tu laisses tomber la poterie finalement ?

Pauvre Sorbonne, Faculté des lettres et des science humaine qui, ce samedi, vient de perdre les siennes. (de Facultés. Ça ne suit pas au fond….)

Mais l'homme, qui ne s'avoue jamais battu, se dit que du coup, tous les espoirs sont permis. L'homme a déjà une idée de sujet du prochain bac :

" Mitterrand sera-il réélu en 2002 ? Et si oui, quel est son ascendant ? "

Si l'astrologie est une science, peut être que le fondement de l'homme est un oiseau de basse-cour? Du coup, ça fait une vraie bonne raison de se lever le matin ça, non ?

 

 

 

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