NOM D'UN SLIP / 21-03-2001

Mais, l'homme s'emballe et doit d'abord s'expliquer. Le professeur Michael Archer, Paléontologue réputé et directeur de l'Australian muséum de Sydney, a décidé de faire manger du "kangourou". Les larmes ne sont pas loin quand, tout en écrivant ces lignes, l'homme se rappelle Skippy qu'un enfant appelait en soufflant dans une feuille (ce que l'homme dépité n'a jamais réussi à faire).

Ainsi, la nouvelle est terrible : on veut faire manger du Skippy ! Mais notre professeur s'explique :

-"L'erreur remonte aux origines, lorsque les touts premiers colons Australiens, dédaigneux du savoir et de la culture aborigènes, calquèrent leur organisation sur celle du vieux monde. Et cela malgré un climat et un relief aux antipodes de l'Angleterre, une flore et une faune absolument uniques. Résultat ? l'Australie, aujourd'hui, est malade de ces choix. Son équilibre écologique a davantage été altéré en deux siècles qu'en cinquante mille ans... Des chiffres ? 49 % des forets Australiennes ont été détruites depuis 1788 ; 17 % des vertébrés sont en voie d'extinction (le taux le plus élevé du monde); 50 % des espèces animales disparues récemment de la planète étaient australiennes. La forêt, elle, a perdu 44 % de sa diversité animale. Le sol lui aussi est malade. A cause d'un déboisement frénétique ( 30 milliards d'arbres disparus en deux cents ans), c'est l'extension du désert perpétuel. À cause de l'irrigation à grandes échelles de certaines régions, le sel des nappes phréatiques qui remonte provoque l'empoissonnement de la végétation (2,5 milliards d'hectares déjà affectés, 15,5 le seront à court terme).

Enfin, l'usage intensif des fertilisants aboutit à une acidité de surface immense. Combien coûte par an la dégradation de sol ? 5 milliards de dollars (20 milliards de franc) c'est-à-dire plus que nos revenus agricoles. La seule façon de protéger sérieusement pour le long terme les animaux typiquement australiens comme certains kangourous, dongos, koalas est de leur réserver des îlots d'au moins 300 000 kilomètres carrés."

En Australie, le fléau est arrivé par bateau: les lapins voraces, rongeur d'écorces et de plants indigènes, qui introduit dés 1859 se retrouvèrent 300 millions cent quarante ans plus tard; les horribles chats sauvages insatiables de petits marsupiaux, les buffles, les chèvres, les chevaux, les cochons, les mulets. Sans parler des bovins et des moutons dont les éleveurs protégent les aigres pâturages en abattant la nuit des milliers de kangourous accusés de voler leur herbe !

Ainsi, l'idée finale de Michael Archer est des plus originales : pour protéger les kangourous, il faut les manger. C'est une viande saine et tendre, dépourvue de graisse et de cholestérol. Et qui convient très bien aux humains. Aucun risque de parasites et pas de farine animale.

Les manger mais aussi les adopter comme animaux domestiques. Fini les chiens, souris blanches et hamsters. Vive l'adoption des petits marsupiaux tels que les "quolls" ou les "sugar gliders" qui ressemblent à des petits écureuils à longues queues.

" Les espèces animales que l'homme adopte ne s'éteignent jamais. Les autres disparaissent dans l'indifférence générale."

L'homme se dit qu'il aurait dû s'adopter depuis longtemps, il y aurait moins de guerre. En Australie, il ne reste plus qu'à convaincre les éleveurs d'abandonner l'élevage de bœuf et de mouton, fiertés nationales.

L'homme reste pensif sur cette dernière phrase du professeur Archer :

-"Il faut arrêter d'imiter l'Europe et les États-Unis et commencer à penser Australien"

Reconnaissons que l'exemple de l'Europe en ce qui concerne les vaches et les moutons ces derniers temps n'est pas vraiment à suivre.

Penser autrement avant qu'il ne soit trop tard. En espérant se dit l'homme qu'il n'est pas trop tard. Les dérèglements météorologiques semblent de plus en plus prouver que le mal est fait.

Peut-être maintenant va-t-il falloir songer à réparer, à l'instar du professeur Archer. Réparer toutes ces erreurs commises à l'encontre de notre bonne vieille Terre, voilà une bonne raison de se lever le matin. Quitte à ce que cela soit pour sortir le kangourou.