La Discothèque Idéale
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TV / 25-08-2001

 
 Juste à en lire le titre, le lecteur peut craindre le pire.

Et comment lui en vouloir ? de Loana à l'île des mangeurs de vers, de cette harpie qui cherche le maillon faible à l'improbable retour de Danielle Gilbert, les raisons ne manquent pas pour penser que l'homme, lui aussi, a décidé d’écrire quelques lignes sur le PAF.

Rassurez vous, il n'en est rien. Nul ne saurait être ici question de la folle du logis ou de la petite lucarne.

Nous partons bien loin aujourd'hui. Fermez les yeux et... Non, si vous fermez les yeux, vous ne pourrez plus lire, imaginez plutôt :

Neuf îlots perdus au milieu du pacifique au nord-Ouest de l'Australie, 25 kilomètres carrés de terre au milieu de 1,3 millions de kilomètres carrés d'eau, 12 000 habitants. Bienvenue dans l'archipel de Tuvalu.

Tuvalu qui signifie "huit qui se dressent à côté" en référence aux principales îles de l'archipel. Indépendantes depuis 1978, les Anglais, en partant, laissent un vieux cargo qui faisait la liaison entre les îles et les caisses vides. Tuvalu a si peu de ressources que les premières années, sa seule exportation sont ses timbres prisés par 10 000 collectionneurs à travers le monde. Des ventes qui rapportent entre 100 000 et 200 000 dollars par an.

Et puis un jour, un coup de téléphone :

-" Je ne sais plus quand c'était en 1996 ou 1997. J'étais ministre des finances, un type nommé Reuben m'appelle. Il m'a expliqué qu'il travaillait chez Microsoft et qu'il voulait racheter notre nom de domaine Internet. En échange, il allait nous verser 5000 dollars par an."

Koloa talake se rappelle encore de ce coup de fil inespéré.

"Je lui ai demandé de m'envoyer une proposition écrite et j'en ai parlé à mon adjoint. Coup de chance, il avait entendu parler de cet Internet, il m'a dit que cela valait sûrement beaucoup plus d'argent que ce que l'on nous en proposait".

Le fameux Reuben rappelle et double sa proposition :

10 000 dollars par an mais Tuvalu dit non. Et il comprend qu'ils sont assis sur une mine d’or : le ".tv". Un nom de domaine qui lui a été attribué par un organisme international dont il ne soupçonne même pas l'existence. Chaque pays ou territoire autonome de la planète à droit à ses deux lettres, identifiant l'origine géographique.

En France, c'est .fr, le Laos vend son .la aux habitants de Los Angeles, les îles cocos leur .cc et les îles Tuvalu détiennent leur .tv.

Quel site de télévision ne rêve pas d'être immatriculé en .tv? Un mot que tout le monde comprend : les Japonais, les Français, les Chinois, les Américains. Un point et deux lettres en or.

L’offre finale est incroyable : 20,5 millions de dollars versés immédiatement, puis un million de dollars par trimestre, à hauteur des 50 millions promis. En plus, Tuvalu a reçu 20 % des actions de la société .tv qui vaudront une fortune si la bourse remonte, plus un poste d'administrateur. Sans compter le bonus : des ordinateurs et surtout l'engagement de former des Tuvalians.

Et voilà comment un petit archipel sans or, ni pétrole, une micro nation est aujourd’hui en pleine construction d'une route, d'un hôpital, achève son électrisation, a repris la majorité d'une compagnie aérienne et siége depuis le mois de septembre à l'ONU.

"Sans l'argent de la dot tv, on n’aurait jamais pu avoir une équipe de quatre personnes à New York à plein temps ce qui coûte 750 000 dollars par an."

Siéger à L'ONU, non par mégalomanie soudaine, mais pour alerter la planète : "nous avons peur d'être victime de l'effet de serre si les grandes nations ne font pas d'effort" explique le représentant météorologique local. Une vraie angoisse pour les résidents de terres toutes plates, dominant l'immense Pacifique de moins d'un mètre. Et les signes inquiétants abondent : le climat est de plus en plus irrégulier et les grandes marées de printemps montent un peu plus tous les ans, recouvrant une partie de l'aéroport et Funafuni.

Les politiques, eux, se préparent au pire : "Nous avons demandé des permis d'immigration pour toute la population à l'Australie qui a refusé et à la nouvelle Zélande qui réfléchit encore. Nous devons trouver une terre d'accueil si la catastrophe se produit."

Ainsi c'est bel et bien cette fameuse bulle Internet qui aura sorti les îles Tuvalu de l'eau. Cette chute brutale des valeurs qui a plongé les uns dans la sinistrose est tombée sur Tuvalu comme une manne providentielle et inespérée. Qui a dit que cette bulle Internet dont on nous a tant et tant parlé n’aura servi à rien ?

Une catastrophe boursière qui renfloue une île perdue au milieu de nulle part, en voilà une belle histoire. Et une belle histoire, c’est une bonne raison de se lever le matin.

 

 

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