La Discothèque Idéale
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GRANDS FONDS / 27-08-2000

 
 Pendant que l'homme émerge, chaque matin, difficilement des bras de Morphée, d'autres plongent, jour après jour, de plus en plus profond.

Pratique révélée par le film d'un cinéaste dont on aura la clémence de se souvenir que son premier film fut admirable, la plongée en apnée ne cesse d'étonner.

Il y a 40 ans, les médecins prédisaient que l'homme ne pourrait atteindre 50 mètres sous l'eau.

Le record de -152 mètres vient de tomber.

Tout commence en 1966 avec Jacques Mayol, l'homme dauphin, dont "Le Grand Bleu" fit plus que s'inspirer. Jacques descend alors à 60 mètres. C'est un combat de 20 ans qui va l'opposer à l'italien Enzo Majorca, qui fera passer le record de 49 mètres à 105 mètres en 1983.

En 1993, les 120 mètres tombent grâce au cubain Ferreras. Trois ans plus tard, le même Cubain descend à 130 mètres. Aujourd'hui, le plongeur français Loïc Leferme vient de battre le record mondial "no limit" avec une plongée en apnée à 152 mètres.

Umberto Pelizzari, Loïc Leferme et le Cubain Francisco Ferreras annoncent le record des 200 mètres pour bientôt.

Loïc Leferme se réveille à 6h15 et se livre à un minutieux travail d'étirement pour assouplir son corps. À 150 mètres, la pression est 16 fois supérieure à celle de la surface.

"Il ne faut pas que le corps soit rigide comme une bouteille pleine d'air qui imploserait. Il ne faut pas essayer de résister, mais accompagner le mouvement pour arriver au fond avec la sensation que le corps est en symbiose avec le milieu".

Si jacques Mayol pratiquait le yoga, Loïc pratique, lui, l'harmonica. Après quelques morceaux de blues, il s'immerge pour une apnée statique afin de se mettre dans l'ambiance et d'abaisser ses pulsations cardiaques.

À -150 mètres, il ne battra qu'à une dizaine de pulsations par minute.

Installé sur la gueuse d'une trentaine de kilo, munie d'un phare et d'une caméra vidéo, Loïc donne le signal. La gueuse l'emmène vers les abysses à prés de 2 mètres par secondes.

"Je me concentre sur la pression de l'eau sur mes tympans afin de décompresser sans attendre d'avoir mal."

Le sang se retire de ses membres pour ne plus irriguer que les fonctions vitales : cerveau, cœur, et poumons. Le rythme cardiaque descend.

Une secousse marque la fin de la descente 1 minute 40 secondes plus tard. Loïc ouvre les yeux et repère la plaquette témoin des 152 mètres. "Un bonheur absolu. J'ai le sentiment que mon corps pourrait s'adapter à l'infini. J'aurai envie de m'attarder."

15 secondes plus tard, il ouvre la bouteille qui gonfle son parachute, la remontée s'effectue à 3,5 m/sec.

À 2 mètres de la surface, il lâche le parachute et émerge.

3 mn et 12 secondes de bonheur.

"Le premier souffle est différent de tous les autres raconte Umberto Pelazzani, c'est une renaissance. C'est comme la première respiration du bébé quand après 9 mois passés dans l'univers aqueux du ventre de sa mère."

Même s'il n'en a pas, l'homme tire son chapeau à ces hommes poissons, qui en repoussant sans cesse leur propre limite, se rapproche du monde du silence pour la beauté du geste. Ils se lèvent le matin pour descendre, l'homme se lève le matin pour s'élever. À chacun sa bonne raison de se lever le matin.

 

 

 

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