DJAVAN : "Alumbramento"

Djavan est un artiste brésilien complet. Auteur, compositeur , musicien et même chanteur. Pourquoi ce "même"? Parce que comme beaucoup de ses petits camarades qui font le même job que lui, Djavan n'est pas un excellent chanteur. Il chante juste. Sa voix n'est pas très puissante et pourtant sa simplicité dégage une fabuleuse chaleur, une intimité, un petit quelque chose de totalement touchant dans les "chevrottements" de ses chansons les plus douces, comme si l'émotion lui enlevait un peu d'assurance.

Djavan est inspiré par beaucoup de choses, ce qui lui évite de se cantonner à un type de musique.

Ca commence très fort avec Tem Boi Na Linha et son rythme de tchou-tchou comme la SNCF ne sera jamais capable d'assurer 24h d'affilée, image de notre train-train quotidien...justement. Dans ce même rythme, "A Rosa", duo plein de gaité avec Chico Buarque, autre figure incontournable du talent brésilien. Ces 2 là sont amoureux de la même fifille, prêts à faire leur vie avec elle, et pas du tout disposés à la partager; "Aquale Um" enjouée aussi : guitare, cuivres, batterie et pour cause: voici l'histoire d'un esprit qui descend sur Terre se faire un resto! Et que je te boive, et que je te fume...La religion est très présente dans la culture brésilienne, les esprits sont dans la vie de tous les jours, surtout pour les afro-brésiliens descendants des esclaves.

Même ambiance sympa dans la dernière :"Sururu De Capote". Non, il n'y est pas question de sexe.(Je le crois pas...les obsédés!).Tout juste un compte rendu des bons côtés qu'il y a à vivre dans une grande ville moderne (Sao Polo en l'occurrence) mais qui ne sont rien en comparaison de ce qu'on peut ressentir lors du retour aux sources.

On se calme . Djavan excelle de la même façon sur des mélodies plus douces. "Sim On Nao" aborde un des thèmes favoris de son auteur, l'amour.(Ah l'amour! toujours l'amour...) Jolie guitare et grands violons pour planter le décor d'un romantisme qui n'a rien d'ennuyeux.

1^er choc de ce CD: "Lambada De Serpente" qui parle de la tragédie de la perte d'une récolte pour un paysan, aussi terrible que la perte d'un amour...Il y a une vraie tension dans cette chanson, portée par un violon solitaire qui semble pleurer sur cette épreuve et une reprise finale, avec quelques accompagnements vocaux, un peu en sourdine d'abord et puis de plus en plus forts. "Dor E Prata" s'interroge carrément sur le sens de la Vie. Que cherche-t-on? A la finir, à la comprendre, à rien...Surtout on se cherche soi-même. "Meu Bem Querer" a été reprise 36000 fois(ou un peu moins) et par plein de monde. Une belle chanson sur l'amour qui captive le coeur et fait parfois souffrir, mais mourir d'amour ce n'est pas vraiment souffrir.(Tu parles!)

Dans le même genre je cite tout de suite "Triste Baia De Guanabara" dont le violon et une flûte solitaire nous rendent aussi tristounets que le sujet évoqué. J'en aurai fini après l'évocation de la perle pure de ce CD. Si tout le reste était nul, cette seule chanson mériterait à mes yeux, à mon coeur, cet achat. Elle donne d'ailleurs son titre à l'album. "Alumbramento" écrite avec Chico Buarque (le gars du duo plus haut). Encore de l'amour plus un piano, une guitare, de la batterie toute douce et la voix de Djavan sur plusieurs pistes et en onomatopées venant à point. Je n'y peux rien ça me prend dans les tripes (aïe).

Pas grand chose à dire sur les instruments de cet album. Ils s'effacent presque derrière les mélodies elles-mêmes. Très musical tout en étant dépouillé, impossible à classer dans un genre particulier. Un peu bossa nova, légèrement samba, parfois jazzy c'est peut-être bien pour tout ça que je l'écoute en boucle.

Djavan est Noir et très impliqué dans les problèmes politiques : Afrique du sud au temps maudit de l'apartheid, révoltes au Nicaragua dans l'album Bird Of Paradise paru en 1987... (A écouter aussi Luz sorti en 1984 je crois, avec notamment un tube-duo avec Stevie Wonder: Samouraï) . La musique de Djavan est à son image : inclassable, intelligente et belle .

J'ajoute qu'il semble que le CD ne soit aujourd'hui disponible qu'avec un autre album accolé et loin d'être nul. A vos écouteurs!.

Djavan, "Alumbramento", 1992, Blue Note.