La Discothèque Idéale
 Retour
 
 

RADIOHEAD : "Amnesiac"

 
 Peu de temps après la sortie du cataclysmique et fiévreux " Kid A ", un bruit circula (alimenté par le groupe lui-même) qu’un nouvel album était déjà en préparation, constitué des chutes des derniers enregistrements studios et qu’il constituerait le retour aux bonnes vieilles guitares frémissantes et aux compositions pop : une sorte de retour aux sources de " The Bends " ou plus précisément le fantasme d’une bonne partie des anciens fans qui commençaient à ne plus comprendre la lisibilité de la trajectoire du groupe…

Les trois premières secondes d’écoute du nouvel album suffisent pour comprendre que ce n’était là qu’une nouvelle fausse piste d’un groupe qui cherchait encore il y a peu " Comment disparaître complètement ". " This Isn’t True / This Is Not Happening ".

Radiohead assagi ? Non, décidément pas même si le chanteur cherche à nous le faire croire en introduction : " I Am Reasonable Man / Get Off My Case ". La preuve : cette première chanson, la bien nommée " Packt Like Sardines An A Crushd Tin Box " (‘Serrés comme des sardines dans une boîte défoncée’) et sa rythmique expérimentale et psychopathe faite de métal fracassé et de basse/clavier modulés se révèle particulièrement vicieuse.

Sur le morceau suivant (peut-être le plus impressionnant de l’album), un délicat piano égrenant une mélodie complexe et étrange suffit à nous intriguer. Surgit alors le chant lancinant et possédé de Thom Yorke qui se retrouve épaulé par une batterie subtile mais puissante et des arrangements de violons hypnotiques. " Pyramid Song " s’ouvre alors de grands espaces devant elle, contrastant ainsi fortement avec le sentiment de claustrophobie qui dominait le morceau précédent.

L’impression qui domine l’auditeur est ainsi celle d’être embarqué sur des montagnes russes. Constamment ballotté, jamais certain de ce qu’il va trouver au prochain tournant et la peur au ventre, parfois oppressé, parfois totalement libéré, le voyage de l’auditeur n’est clairement pas de tout repos.

Se côtoient ainsi cote à cote des expérimentations sonores quasiment traumatisantes (" Pulk Pull Revolving Doors ") et des moment de faux relâchement comme l’intro délicate du délicieusement pop " You And Whose Army ". " Be Constructive ", voilà le crédo du groupe (" Dollars & Cents ").

Même si elles ne sont pas aussi présentes qu’annoncé précédemment, les guitares marquent leur retour avec le riff lancinant de " I Might Be Wrong " ; sur les magnifiques arpèges d’un " Knives Out " qu’on jugerait sorti des séances de " OK Computer " ou l’instrumental " Hunting Bears ", tout en distorsion apaisée.

Ultime pied de nez, l’album se termine avec " Life In A Glass House " par une ballade bluesy, traversée d’éclairs de cuivres New Orleans, où le chanteur nous révèle ses doutes et se livre à nu. Et bouleversant. " Is Someone Listening ? " Oui, assurément, même si on ne sait plus trop où l’on en est…

Comme le prouve une reprise plus dépouillée de " Morning Bell ", " Amnesiac " n’a pas oublié son petit frère " Kid A " et vient le prolonger habilement en lui offrant une suite encore plus torturée et déglinguée. Avec ce duo logique " Kid Amnesiac ", Radiohead marche sur les pas des Beatles qui en leur temps avaient accompli ce challenge impossible de proposer au grand public une musique difficile d’accès, voire parfois expérimentale. Une démarche artistique d’un grand courage mais surtout, de la très grande musique…

A écouter :

  • Kid A : bien sur, le frère jumeau, qui a préparé le terrain et les oreilles aux transgressions du petits dernier et leur complément live "I Might Be Wrong".
  • Le retour au source du dernier album : Hail To The Thief. Indispensable.
  • Autechre et Matmos ont été évoqués pour leurs expérimentations sonores en tant que sources d’inspiration

Radiohead, "Amnesiac", 2001, Parlophone.

 

 
 

Haut