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Serge GainsbourgSerge GainsbourgSerge Gainsbourg

Serge Gainsbourg est une des figures les plus marquantes de la chanson française. Il a constamment révolutionné le genre, aussi bien par ses paroles que par sa recherche constante de nouvelles sonorités.

Comme Bowie, il a su s’adapter à chaque nouvelle donne musicale, afin de toujours coller avec son temps.

Le choix d’albums représentatifs du grand Serge est un exercice difficile et si un best-off paraît la meilleure idée pour appréhender cette œuvre complexe, nous n’avons pas réussi à en trouver un qui soit à la hauteur du bonhomme (trop souvent consacrés à la dernière partie de sa vie, la moins intéressante).

C’est pourquoi nous avons sélectionné ce qu’il nous semblait être ses trois meilleurs albums dans sa discographie officielle. Si vous trouvez un best-of digne de ce nom, n’hésitez pas à nous le signaler.

Au programme, donc :
L'histoire de Mélody Nelson
L'Homme A Tête De Chou
Aux Armes Et Caetera

 

L'Histoire de Mélody NelsonSerge Gainsbourg, " L'Histoire de Mélody Nelson ", 1971, Phonogram.
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Bien, on va commencer directement par le sublime, le médiocre n’a rien à faire ici. Mélody est un album culte, de même que celui chroniqué ci-après " L’Homme A La Tête de Chou ". " Mélody Nelson ", un des premiers concepts albums français, conte la passion impossible de Serge pour une gamine non majeure, allégorie non voilée de son amour pour l’androgyne Jane Birkin.

Tout commence par une basse hypnotique, soutenue par une guitare discrète et inventive, subtilement rythmique. Comment décrire " Mélody " ? Impossible tâche que de réduire cette litanie, qui en 7’33 de transe pose le décors de l’album, introduisant l’ensemble des acteurs à savoir une basse, remuant les bas-fonds, une guitare hésitant entre le solo et la rythmique – toujours magnifique -, des violons décidés à tutoyer les cieux, la voix de Serge et de Jane et surtout des paroles qui vont nous hanter longtemps :

" Les ailes de la Rolls effleuraient des pylônes / Quand m’étant malgré moi égaré / Nous arrivâmes ma Rolls et moi dans une zone / dangereuse un endroit isolé ". " Comment tu t’appelles / Mélody / Mélody comment ? / Mélody Nelson / Mélody Nelson a les cheveux rouges / Et c’est leur couleur naturelle ".

A l’exact opposé de la chanson précédente, " Ballade de Mélody Nelson " est une chanson acoustique, lumineuse, discrètement accompagnée par des violons inventifs. Pourtant, dés cette deuxième chanson, l’issue funeste de la liaison est révélée.

Les violons de " Mélody " chantent une superbe valse amoureuse afin de célébrer la passion naissante mais encerclée par des ‘labyrinthes’. A nouveau, l’avenir paraît sombre.

Il faut attendre " Ah ! Mélody " pour que les nuages semblent se dissiper pour livrer une ballade véritablement crystalline, illustrée par des trompettes superbes .

La passion quasi mystique ne suffit pas et c’est la passion charnelle qui se fait jour sous le mythique " Hôtel Particulier ", repris plus tard par les Rita Mitsouko. Il faut bien en effet que l’amour se consume et dans un hôtel de passe ‘au style Rococo’ que les deux amants vont se retrouver. L’orchestration est à nouveau imparable et les paroles sont elles aussi restées gravées dans nos mémoires : " Entre ces esclaves nus taillés dans l’ébène / Qui seront les témoins muets de cette scène / Tandis que là haut un miroir nous réfléchit / Lentement, j’enlace Mélody ".

" En Mélody " se révèle un exercice de style pour Gainsbourg qui joue à une des premiers copier/coller de l’histoire de la musique en intégrant des éclats de rire de Jane tandis que la guitare et la batterie (et même un violon !) donnent à cœur joie dans le registre funky drummer.

Le final est superbe et se situe dans le prolongement de " Mélody ",puisque la même trame musicale relie les deux morceaux. De même qu’elle a accompagnée les débuts de cette passion, cette basse hypnotique va sonner son glas, puisque Mélody s’écrasera dans un accident d’avion au dessus de la Nouvelle Guinée. Je ne veux rien dévoiler de ce morceau car je serais bien incapable d’en retranscrire l’émotion. On peut à nouveau y signaler la beauté des arrangements et révéler quelques paroles bien que la totalité soit nécessaire : " N’ayant plus rien à perdre ni dieu en qui croire / Afin qu’il me rendent mes amours dérisoires / Moi, comme eux, j'ai prié les cargos de la nuit / Et je garde cette espérance d’un désastre / Aérien qui me ramènera Mélody / Mineure détournée de l’attraction des astres ".

Les orchestrations épiques et inégalées sont signées Jean-Claude Vannier et accompagnés par une centaine de chœurs. On touche là au sublime et plus personne ne viendra plus dire que Gainsbourg est un faiseur, uniquement capable de faire des singles dans l’air du temps.

Véritablement, un chef-d’œuvre. Et pour une fois, il ne s’agit pas d’un terme usurpé. J’en veux pour preuve ce dernier morceau, " Cargo Culte " qui constitue le summum de l’ouvre de Gainsbourg et qui touche réellement le sublime par sa beauté inépuisable.

 

 

L'Homme à Tête de ChouSerge Gainsbourg, " L'Homme à Tête de Chou", 1976, Phonogram.
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Le second chef-d’œuvre de Gainsbourg. Si vous ne les connaissez pas, écoutez les pendant quelque mois avant de revenir me voir. Les deux sont indispensables et vous accompagneront de longues années.

Ce concept album conte à nouveau une passion malheureuse qui lira cette fois un journaliste de seconde zone à un shampouineuse black qu’il ne suffit pas à satisfaire. C’est à partir de ce synopsis finalement assez léger que Serge va tirer la matière d’une de ses meilleurs albums.

A nouveau, la première chanson, éponyme, annonce la couleur par son coté tragique, prédisposant l’auditeur à la fin malheureuse de l’histoire. Tout l’album est déjà présent : les guitares, les orchestrations, la fin funeste… " Mais moment / Je vais pas tout déballer comme ça aussi sec ".

" Chez Mac Coiffeur Pour Hommes " ou la rencontre. Des paroles qui frappent par leur évidence : " Chez Max, coiffeur pour hommes / Où un jour j’entrais comme / Par hasard me faire raser la couenne / Et rafraîchir les douilles / Je tombe sur cette chienne / Shampouineuse / Qui m’aveugle par sa beauté païenne / Et ses mains savonneuses ". 

Après un épisode de contact rapproché narré dans " Marilou Reggae " (‘Quand Marilou bien irriguée, jamais jamais épiloguer’), " Transit à Marilou " nous révèle un territoire inconnu, réveil en pleine cambrousse. Le réveil est rude et ‘cunninlingue’. Des rythmes africains nous permettent à peine de distinguer le paysage. " Perdu Suis-je en pays zoulou / Mais non, voyons suis-je dingue / Je suis à Marilou ".

C’est alors le choc : épisode de la découverte de l’adultère de sa compagne. Des guitares épileptiques et asynchrones accompagnent ce superbe " Flash Forward ". " Un soir qu’à l’improviste chtac / Je frappe à ma porte toc / Sans réponse je pousse le loqu / Et j’écoute gémir le hamac / Grincer les ressorts du paddock / J’avance dans le black / Out et mon kodack / Impressionne sur les plaques / Sensibles de ma mémoire une vision de claque ". Pfff…. Paroles incroyables… Tout le morceau est à ce niveau là… " C’est là à jamais sur le block / Notes de ma mémoire black / Sur white et quoique / Je fasse ça me reviendra en flash back / Bordel jusqu’à ce que j’en claque ". Ouf… Difficile de s’en tirer indemne de celui-là…

Marilou s’emmerde et le montre : " Aéroplanes ". Elle s’ennuie et feuillète des dépliants d’agences de voyages. La parano du narrateur monte… " Pauvre idiote / Tu rêves, tu planes / Me traite de fauché, de plouc / de minable / d’abominable bouc / Qu’importe injures un jour se dissiperont comme volute Gitane ".

C’est alors que qu’apparaissent les premiers symptômes signalés par une rythmique obsédante et des paroles paranoïdes. " J’allais m’enfermer dans les water-closets / Où là je vomissais mon alcool et ma haine ".

Ce n’est pas la ballade apaisée " Ma Lou Marilou " qui suffira à apaiser nos craintes. Malgré les guitares country en joie, les paroles nous confirment la sensation mortifère qui nous envahit.

Une de mes chansons préférées de Gainsbourg est " Variations sur Marilou " et constitue probablement un de ses sommets en matière d'écritures. L’intégralité des paroles décrit la masturbation de Marilou tandis qu’elle lit des comics strips. " Dans son regard absent et son iris absinthe "… A nouveau, les paroles jouent sur les les sonorités des mots employés en atteignant une maîtrise inégalée. On citera encore pour le plaisir : " Lorsqu’en songes obscurs / Marilou se résorbe / Que son coma l’absorbe / En des rêves absurdes / Sa pupille s’absente / Et son iris absinthe / Subrepticement se teinte / d’extase sous-jacente ". On aurait pu citer d’autres choses mais la place nous est comptée. Écoutez donc le disque….

La fin s’annonce sous les traits jazzy du " Meurtre à l’extincteur " afin ‘d’éteindre le feu au cul de Marilou’.

Si " Marilou Sous La Neige " se révèle être une très belle ballade acoustique, il ne faut pas s’y fier. Le meurtre a bien eu lieu, ne laissant pas l’auteur indemne comme le prouve le superbement schizophrène  " Lunatic Asylum ". ‘Tu sais, ma Lou / dans cette clinique / Neuropsychiatrique / A force de patience et d’inaction/ J’ai pu dresser un hanneton / Sur ma tête héliport / L’hélicoptère / De ses élytres d’or / Refermant l’habitacle / Incline ses antennes / Porteuses d’S.O.S.’.

L'album contient peut-être ses paroles les plus abouties.

 

 

Aux Armes Et CaeteraSerge Gainsbourg, " Aux Armes Et Caetera", 1979, Phonogram.
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Alors que Bob Marley devient un véritable phénomène interplanétaire, Serge s’envole pour la Jamaïque afin d’enregistrer ce qui deviendra le premier album reggae en français. Il retrouve là-bas la fine fleur des musiciens jamaïcains à savoir Sly Dunbar et Robbie Shakespeare ainsi que le cœurs de Bob lui-même ! ! ! !

Gainsbourg n’a plus rien à prouver et n’hésite pas à se remixer lui-même en offrant une superbe version reggae de la Javanaise, un de ses plus grands tubes, en ajoutant un couplet en vrai javanais, transformant ce slow classique en déchirant suicide.

Le scandale qui entoura la version reggae de la Marseillaise qui constitue ce " Aux Armes Et Caetera " est difficilement imaginable aujourd’hui. On se rappellera quand même les articles presque antisémites du " Fig’ Mag’ " (signé Michel Droit) et des menaces de mort qui ont poussé l’orchestre à annuler la tournée prévue.

" Des Laids Des Laids " constitue une véritable déclaration de foi, reprenant ainsi un de ses thèmes favoris la laideur : " La Beauté cachée des laids, des laids, se voit sans délai " à rapprocher de son célèbre aphorisme : " La Laideur a ceci de supérieur à la beauté : elle dure ".

Le jeu sur les mots tourne maintenant à l’obsession chez Serge qui pousse le procédé à bout comme sur " A La Brigade des Stups " ou sur " Les Locataires ".

Une autre reprise reggae : " Vieille Canaille ", déjà chantée (avec le bon Eddy Mitchell me semble-t-il ?). Impeccable, grâce aux cœurs discrets de Rita Marley et à la puissante rythmique de Sly & Robbie.

La perfection faite reggae : " Lola Rastaquoeure ". Le groupe s’en donne à cœur joie sur la partie dub (à nouveau Sly & Robbie en totale liberté), les cœurs sont superbes et les paroles se déroulent alors que l’on cherche à percer leur mystère. On voudrait d’ailleurs tout citer mais on ne laissera percer que ces quelques vers : " Comment oses-tu me parler d’amour, toi hein / Toi qui n’as pas connu Lola Rastaquouère " et " Elle avait de ses yeux, un vrai chat abyssin / Et ses seins deux sphères / Entre lesquels j’abandonnais deux mois de salaire / Pour y rouler mon pauvre joint ".

Et que l’on ne vienne plus me dire que Gainsbourg n’a plus rien écrit de valable après " Je suis venu te dire que je m’en vais "…

Une petite chanson up-tempo à propos du Klan : " Relax Babe Be Cool " avant de passer au lascif et rêveur " Daisy Temple " et la rythmique subtilement hypnotique et mouvante de Sly.

La pochade est maintenant un classique chez le nouveau Gainsbourg dorénavant nommé Gainsbarre. On trouva donc quantité de mauvais jeux sur les sonorités et d’obsessions scatos sur " Eaux Et Gaz A Tous Les Etages ". Sur la même trame musicale, on préférera " Pas Long Feu " et ses paroles délirantes.

Pour terminer, une dernière reprise d’un des titres historiques de Gainsbourg à savoir " Marilou Reggae ". Il est d’ailleurs amusant de constater que c’est grâce à cet album qu’il a corrigé certaines ‘incohérences’ de ces chansons à savoir une ‘Javanaise’ sans paroles en Javanais et un ‘Marilou Reggae’ même pas en reggae….

Un grand album, avec un groupe historique donnant une de ses meilleurs performances pour un frenchy bizarre, à écouter forcément en fumant de la bonne Kaya et en pensant au Serge qui pendant tout l’enregistrement n’a fumé que des Gitanes… On comprend l’étonnement des musiciens…

On pourra compléter pour les fans avec l’album suivant de 1981 " Bad News From The Stars " qui contient des accompagnements toujours aussi sublimes mais des chansons peut-être moins pertinentes à l’exception du poignant " Overseas Telegram ", descriptif de sa rupture avec Jane (complétant ainsi sa chronique de ses ruptures comme il l’avait fait avec " Initials BB " pour sa séparation avec Brigitte Bardot) et de l’incroyable " La Nostalgie Camarade ", terrifiante chanson sur un légionnaire pétant les plombs, véritable chronique de l’après colonialisme. Un truc incroyable, qui renvoie tout le monde à ses études d’écriture : " Il s’en passe des choses sous ton crâne, rasé, c’est plein de tristesse et de kif ".

 

 

 

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