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Stevie WonderStevie Wonder : Discographie Discographie

 
 Ce prétexte en vaut en autre pour parler du grand Stevie : sa compagnie de disques vient de décider de remasteriser ses albums phares du début des années 70’s.

Attention, on parle ici de chef d’œuvres de la soul tels que Music Of My Mind, Talking Book ou encore Fulfillingness' First Finale.

Bon allez, faites pas les innocents, je sais ce que vous allez me dire, je vous entend déjà maugréer dans votre barbe, en me regardant de travers et en vous faisant des clins d’œils complices et moqueurs :

"Ah oui, super ! Stevie Wonder : "I just Called To Say I Love You". Super chanson. Bon, en même temps, faut pas l’accabler, il est aveugle quand même ce mec…". Enfin, bon, comme il a un jour répondu à une journaliste qui lui demandait si ce n'était pas si terrible d'être aveugle : "Bof, vous savez, ça aurait pu être pire, j'aurais pu être noir" (authentique !).

Ahahahaha. Bien.

Stevie Wonder est né avec deux difficiles handicaps dans sa vie : tout d’abord il était effectivement aveugle de naissance (jamais agréable… Et surtout peu pratique quand il s’agit d’appareiller la couleur de sa ceinture avec celle de ses pompes) et puis il était noir, ce qui dans l’Amérique des années 60 était une faute de goût difficilement pardonnable (des gentils hommes habillés en blanc venaient parfois vous chercher pour vous faire découvrir la nature et les branches des arbres de très près. Au bout d’une corde).

Dieu, voyant qu’il avait un peu forcé sur la louche avec ce pauvre jeune homme réfléchit. Puis il se dit que, finalement, tous les hommes sont nés égaux et qu’il a beau être noir et aveugle, il est aussi égaux que les autres, et décida donc de retourner se coucher en laissant notre ami dans le pétrin. Stevie ne l’entendait pas de cette oreille. Il décida d’exercer la sienne et se mit à apprendre à jouer de tous les instruments lui passant sous la main et sous le nez. C’est ainsi qu’il commença sa carrière chez la Motown comme enfant virtuose de l’harmonica et de la chanson pour finir là où on sait, c’est à dire dans une superbe baraque en Namibie, partageant son temps entre son studio et de jeunes nubiles. Dieu, voyant ça alors qu’il zappait sur le câble, se dit que tout était bien qui finissait bien et remit un album de Stevie Wonder sur la platine à savoir :

InnervisionsStevie Wonder, " Innervisions ", 1973, UNI/MOTOWN.
En effet, Dieu a bon goût (on ne peut pas en dire autant de Jesus qui écoute Sardou en boucle et ne parlons pas de la Sainte Trinité et de son groupe préféré, les 2B3). Il sait, lui, que Stevie Wonder a atteint l’espace de quelques albums la musique rêvée et divine qu’il attendait.

Ces ‘visions intérieures’ sont superbes et constituent peut-être son meilleur album par la qualité des musiciens et des orchestrations (pourtant une constante chez lui).

Malgré cette sophistication, le groove et la soul emporte chaque morceau : " Golden Lady ", le gigantesque et irrésistible " Higher Ground ", et surtout le caliente cubano " Don’t You Worry ‘Bout A Thing ".

Les ballades sont elles aussi superbes. Ainsi ce " Visions " d’anthologie, tout en broderie et en arpèges ou le bouleversant " All In Love Is Fair ".

La politique n’est jamais loin avec le Stevie de cette époque (on est bien loin du consensuel duo avec Mc Cartney des 80’s…) comme le prouve ce trépidant " Living For The City ". Narrant les tribulations d’un jeune black découvrant la ville, la chanson est le récit des déconfitures et des injustices de la communauté black de cette époque.

Voyant qu’il ne parvenait à s’endormir, Dieu sort l’artillerie lourde et le double album préféré de la merveille black :

 

Songs In The Key Of LifeStevie Wonder, " Songs In The Key Of Life ", 1976, UNI/MOTOWN.

Bon. " Songs In The Key… " est un peu le Double Blanc des Beatles… C’est une somme, un peu disparate, dont on préfère parfois telle ou telle chanson. A chaque écoute, on se dit qu’il est un peu long et qu’il faudrait enlever une chanson ou deux. Le problème, c’est qu’on ne sait jamais lesquelles… Et, comme le double blanc, on s’aperçoit finalement que c’est un de nos albums préférés de l’artiste.

En même temps que résonnent les premiers chants angéliques de " Love Is In Need Of Love Today ", Dieu relit les notes de pochette et est à nouveau impressionné par la somme de rois mages qui se sont réunis au chevet du bébé (et ça lui rappelle des souvenirs) dont on ne citera, pour faire court, que les stars du Jazz George Benson et Herbie Hancock.

La chanson " Have A Talk With God " l’inquiète toujours un peu (toujours cette crainte de faire sauter le standard : on ne peut pas répondre à tout le monde).

Ce n’est pas l’écoute des orgues-synthés de " Village Ghetto Land " et de ses terrifiantes paroles qui lui remonte le moral.

Pourtant, le groove reprend ses droits avec le superbe hommage à Duke Ellington " Sir Duke " et ses cuivres contagieux, le nostalgique mais péchu " I Wish ", le rigolo " Ebony Eyes ", l’amoureux " As " ou l’amer et vainqueur (merci Baud’) " Another Star ".

Stevie ne renie pas pour autant sa tradition et son savoir faire en matière de ballades. Au contraire, il nous livre quelques un de ses joyaux cachés : " Knocks Me Off My Feet ", une de mes préférées " Summer Soft ", le doux-amer " Ordinary Pain " (‘Can She Take With Her The Pain She Brought You Back ?’), " Joy Inside My Tears ", l’harpe de " If It’s Magic " et son interrogation essentielle à propos de l’amour : ‘si c’est magique, pourquoi est-ce que ça ne dure pas toujours ?’.

Quelques morceaux incontournables se trouvent aussi réunis ici : " Pastime Paradise " et ses superbes violons (n’ayons même pas une pensée pour le traître qui a osé en faire une abominable version rap dont le seul mérite est d’avoir payé la 15ème villa en bord de mer de Stevie. Que lui et sa famille soit condamné à participer à la finale de " Questions pour un Champion " et à finir le restant de leur vie dérisoire sur une ile déserte en compagnie de Julien Leperse) ou encore le célébrissime " Isn’t She Lovely " (peut-être un peu trop diffusé pour pouvoir encore l’apprécier).

Il est vrai que certaines utilisations des synthés peuvent faire sourire maintenant par leur coté daté (" Saturn "). Il ne faut pourtant pas s’arrêter à de tels détails, la mélodie et la justesse des chants et des instrumentistes suffisent totalement à convaincre.

Si Stevie (tu permet que je t’appelle Stevie ?) nous touche autant, c’est que le personnage transpire de tous ses pores une profond empathie pour le genre humain qui se traduit dans sa musique qui est un mix de tous les genres qu’il a côtoyé. Ses paroles elles aussi respirent cette envie de mixité et de tolérance qui le caractérise : " Black Man ", " Ngiculela - Es Una Historia - I Am Singing ". Un hymne à l'amour, universel.

Ainsi, alors que retentit le paisible harmonica de " Easy Goin' Evening (My Mama's Call) ", Dieu, persuadé qu’une telle musique ne peut être que d’inspiration divine, s’endort enfin tranquille.

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